Étais-je triste que ma nouvelle maitresse n’ait pas requit ma présence lors de l’anniversaire du proconsul ? Pas le moins du monde – et pas seulement à cause de ce qui s’y est passé. Je n’avais aucun intérêt ni envers cet homme, ni pour les fêtes. Tout cela semblait d’un ennui mortel. J’avoue toutefois avoir espéré que cela signifiait que j’allais pouvoir me la couler douce, au moins une journée. Malheureusement, ma maitresse avait dû laisser certaines directives aux servants du manoir puisque ceux-ci vinrent me quérir assez rapidement pour les aider sur la lessive. Un soupir fut la seule réponse qu’ils obtint avant que je ne me mette en marche.

Plusieurs jours passèrent. Une semaine. Deux semaines. Maitresse n’était toujours pas de retour. D’ailleurs, j’avais finalement appris son nom entre temps – grâce aux servants, qui me menaçaient plusieurs fois par jour de me dénoncer à celle-ci lors de son retour si je ne me montrais pas plus efficace. Que si je continuais de paresser le matin elle me ferait subir les pires atrocités. J’avoue que je n’y croyais pas trop, c’était probablement simplement pour me voir faire leurs boulots à leurs places non ? Ils devraient déjà se montrer heureux que je les aident même sans ordres directs de ma maitresse selon moi.

D’ailleurs, que me serais-t-il arrivé si maitresse était morte dans cet attentat ? Elle avait promis au marchand que je n’allais pas retourner là-dedans, est-ce que je serais devenue l’esclave d’un autre membre de sa famille ? Probablement. Probablement aussi que ce dit membre m’aurait ensuite rapidement envoyé ailleurs. Comme maitresse Tatyana risquait de le faire aussi puisque les servants semblaient n’avoir que des mauvais mots sur moi. Est-ce que j’en serais triste ? Non, surtout que je ne connaissais pas encore ma maitresse le moins du monde après ces deux semaines. J’avais bien entendu certaines rumeurs sont son métier entre autres, mais rien de bien intéressant. J’espère qu’elle ne désire pas mon aide sur le terrain, être dans la police semble épuisant… Soupir.

Maitresse était enfin de retour – je m’empressai de laisser tomber la tâche que j’étais en train d’effectuer pour l’accueillir. Comment devrais-je l’accueillir d’ailleurs ? Désirait-elle que je lui dise un bon retour ou préférait-elle que je reste silencieux, mais prête si elle avait besoin de mes services ? Mon questionnement n’eut pas le loisir d’aboutir alors que mes yeux se posaient sur la jeune femme – un bras mécanique. Je n’en avais jamais vu auparavant, mais c’était surement cela. Je savais qu’elle avait été plutôt gravement blessée, mais pas à ce point-là. Une légère surprise pu surement se voir sur mon visage, mais sans plus. La surprise fut toutefois suffisante pour me faire choisir la seconde option – le silence.

Je la suivis sans un mot au salon, avec un nouvel étonnement – personne n’avait dit un mot sur son état et ils agissaient comme si tout était parfaitement normal, apportant même le thé comme si c’était une journée des plus banales. Personne n’était donc choqué ? Si elle ne semblait pas autant dans son état normal – pour le peu que je connaisse son état normal – maitresse m’aurait presque fait pitié. J’eus toutefois une énorme envie de soupirer à l’écoute des paroles de ma maitresse – utilité accrue… Je pouvais comprendre pourquoi vu les circonstances, mais cela voulait dire que je n’allais sûrement pas chômer… Et c’est justement au vu des circonstance que je retins le soupir qui me brûlait les lèvres. J’étais une esclave, aider ma maitresse était ma seule raison d’existence. Je ne savais toutefois pas quoi répondre à sa question. J’ouvris la bouche avant de la refermer une fois, deux fois, mais gardai finalement le silence.

Elle voyait… quoi au juste ? Avec ce sourire, cela n’augurait rien de bon pour moi n’est-ce pas ? Elle ne semblait pas avoir appréciée ma non-réponse, peut-être aurais-je dû mettre en mots que je ne savais pas quoi lui répondre ? Un nouveau maitre, c’est toujours compliqué… Je le savais d’avance qu’il allait y avoir besoin d’un moment pour s’adapter, autant pour elle que pour moi, mais je ne pensais pas à ce point-là – même si j’avais passé très peu de temps en sa compagnie, je pouvais déjà dire qu’elle semblait bien différente de tous mes anciens maitres.

On me fit signe de m’asseoir. Je m’obtempérai immédiatement, ce n’était pas comme si j’étais très friande de rester debout. Cependant, je ne savais pas où poser mon regard. Devais-je regarder maitresse dans les yeux ? Je décidai d’abords de suivre son mouvement, voyant le plateau s’approcher de moi. J’avais le droit de me servir ? C’était parce-que j’étais nouvelle qu’elle était aussi gentille avec moi ? Je lui jetai un vague regard incertain avant de m’emparer d’un biscuit que je dégustai presque comme si c’était l’une des meilleures choses du monde. Il était quand même bien rare que mes maitres ou les marchands m’offraient autres choses que des repas de piètres qualités – et encore, ça c’était quand on daignait m’offrir un repas, puisque la majorité du temps j’étais « l’esclave qui n’avait pas besoin de manger ».

Avant de pouvoir enchaîner avec le thé, une question fusa des lèvres de ma maitresse – il était évidant cette fois que je devais y répondre. Toutefois, ce n’était pas une question très facile et je ne savais pas si elle désirait des détails ou une réponse brève. Je tentai donc un entredeux.

« Oui… Bien sûr, on m’a déjà fait des choses, mais généralement avec des objets ou les doigts. »

Généralement… parce-que oui bien sûr j’avais aussi déjà dû faire des fellations parfois, mais aucun de mes maitres ne m’avaient pénétré. Parce qu’ils avaient peur de me mettre enceinte ? Parce qu’ils jugeaient que je ne valais pas la peine ? Je ne pouvais le dire, mais je n’allais pas m’en plaindre – le sexe m’avait toujours laissée indifférente, c’était une corvée comme une autre. Je ne voyais pas en quoi cette pouvoir importante pour ma nouvelle maitresse toutefois.

Le thé. Voilà quelque chose que je n’avais pas non plus souvent eu l’occasion de déguster. De l’eau, voilà ce qu’on m’offrait généralement. L’un de mes maitres m’avait déjà fait goûter du café aussi, espérant que ça me rende plus performante dans mon travail. Cela n’avait surement pas fonctionné puisque deux jours plus tard il me ramenait chez le marchand. Bref, je n’avais pas l’habitude des breuvages chauds et je me faillis me brûler en tentant de prendre la tasse à deux mains – une habitude, lorsque mes ongles-griffes sont trop longs, il m’est parfois difficile de tenir certains objets et plusieurs maitres n’étaient pas très assidus pour me les couper. Bien sûr, je pouvais le faire moi-même mais généralement les maitres ne sont pas en confiance de me laisser le coupe-ongle qu’ils jugent comme une arme…

Plutôt que de risquer de faire n’importe quoi avec le thé, je décidai de laisser la tasse sur la table pour le moment et reporter mon attention sur ma maitresse.

Une fête ? Étais-ce une manière pour maitresse de se remettre du traumatisme de la perte de l’un de ses membres ? Et qu’est-ce que ma virginité avait à voir avec ça ? Pendant un instant, je me questionnais à savoir si je devais avoir peur – mais est-ce que cela pouvait réellement être pire que tout ce que j’avais déjà connue étant née esclave ? J’en doutais, mais peut-être l’avenir allait-elle me montrer que j’avais tort. Oh je ne me faisais pas d’illusions non plus, je sais très bien qu’il y a toujours pire que le pire, mais que pouvions-nous y faire ? Généralement le mieux était d’obéir et tout ne se passait pas trop mal. L’espoir d’une vie meilleur mène toujours à la déception alors à quoi bon.

Maitresse s’éclipsa ensuite pour une sieste en attendant la soirée. Comme je ne savais toujours pas si j’avais droit de parler sans que l’on me donne la parole, je m’abstins de lui souhaiter un bon repos. Ne sachant pas quoi faire en attendant puisque maitresse ne m’avait laissé aucune directive, j’optai pour conserver mes forces en prévision de la nuit et ralentit mon système cardiaque. Évidemment les autres esclaves et servants me trouvèrent des tâches à effectuer, mais voyant mon incroyable efficacité, ils m’offrirent simplement une pile de vêtements à aller plier hors de leurs vues – me menaçant d’avertir maitresse de mon incompétence si je ne pouvais pas au moins terminer cela avant son réveil.

Lorsque maitresse se réveilla, ce furent les préparations pour le départ. Dès qu’elle m’appela je remis mon système en mode humain pour me présenter devant elle et effectuer ce qu’elle me demandait – rapidement, mais sans hâte. Une fois prêtes, maitresse me prit la main pour l’examiner, ce qui me mis légèrement mal à l’aise. À ses paroles, encore une fois, je ne su que répondre. Devais-je lui dire que je pouvais m’en occuper moi-même si elle désirait ou devrais-je plutôt la remercier de l’attention qu’elle me portait ? J’optai finalement simplement pour un hochement de tête et deux mots – si ce n’était pas la réaction qu’elle espérait, elle allait certainement me le faire savoir.

« Bien maitresse. »

Et ensuite, j’attendis. J’attendis de voir sa réaction, j’attendis de voir si nous allions nous occuper de mes griffes avant le départ ou sur le chemin. J’attendis de voir si maitresse allait me demander d’aller chercher autre chose. Où allions-nous ? Allions-nous marcher ou utiliser un véhicule ? Devais-je avoir peur ? Je me posais plusieurs questions, mais aucune qui ne valait la peine que je m’y attarde. Attendre et obéir.