Je suis née d’une famille aisée, très aisée… Il est vrai que je n’ai point à me plaindre de mon cadre de vie. Je suis née de parents absents, mère nous a abandonnée jeune, la pauvre s’est suicidée en silence, ne supportant plus les tourments de ce monde et cette brume qui lui avait tout prit. Il ne resta donc qu’une petite fille orpheline avec un père excédé par la faiblesse de sa femme et c’est donc pour cette raison qu’il a exercé une forte pression sur moi. Je devais remplacer notre dirigeante et j’ai donc souvent croulé sous les leçons. Je devais être érudit, distinguée, présentable, douce, gentille, mais aussi ferme et forte. De quoi vous faire devenir schizophrène, je vous le garantis et pourtant, j’ai tenu bon.

En effet, les années passèrent, je perdu ma candeur enfantine, laissant la droiture prendre possession de moi, alors que mon cœur encore bon cherché à sauver les plus démunis. J’ai commencé à m’entraîner à la demande de père, mais ce dernier abandonné vite l’idée, ne désirant pas qu’on se moque de sa fille garçon manqué. Pour autant, ces leçons me plaisaient et j’ai donc dérogé à cet ordre, travaillant seule, souvent jusqu’à tard dans la nuit au lieu de broder comme l’exigerait la maison.
Père devait s’en douter, mais ne m’interdit pas pour autant, peut-être qu’au fond, il était bien heureux que je continue à travailler ainsi mon corps.
D’ailleurs, en parlant de travail du corps, père me faisait souvent de bien mauvaises blagues, s’amusant à ajouter du poison dans mes plats pour que je puisse ou les détecter, ou renforcer mon corps. J’ai donc très souvent été malade, petite, avant de renforcer petit à petit mon corps et de devenir une femme très difficile à tuer.

Dès mes 14 ans, j’ai dû commencer les soirées, devant représenter ma famille et accompagner mon père pour saluer les plus grands, dont le proconsul quand il daignait se présenter à nous. Je devais bien souvent danser, laissant les hommes balader leurs mains sur mon corps et j’étais plus que ravi de les sentir frustrés par les énormes couches de tissus qui me protégeaient. Je pense aussi que c’est à cette période où j’ai commencé à vraiment m’intéresser à l’économie de la maison et sa gestion. Je décidais qui prendre, qui lester et c’est bien à ce moment que la machination pour la protection des esclaves a commencé.
Notre majordome qui connaît mieux la maison plus que quiconque est resté pour m’aider et me guider dans mes choix. Je sais que j’étais précurseur de quelque chose de répugnant pour les autres, mais faisant ainsi de moi une pro-esclavagiste, on ne pouvait me reprocher de les éduquer de la manière que je le désirais.

Père se fichait bien de ce qu’il se passait, tant que cela n’entachait pas ses relations, ses accords et notre réputation… Et cela, j’ai bien fait attention à tout garder intact. J’étais une femme exemplaire, bien que pas assez amusante. Mes amies aimaient venir se moquer gentiment de moi, j’étais une femme trop décalée pour ce monde, mais vu que je ne leur portais pas préjudice et que ma connaissance les effrayait, je n’ai jamais eu à me battre réellement contre elle… À croire que l’ignorance est bien plus pesant qu’une menace de mort… Pour autant, si elles me connaissaient réellement, elles sauraient que je ne m’amuserai jamais à destituer des familles, simplement parce qu’elles ont osé se moquer de moi lors d’une sortie. De plus, leur famille ne voudrait pas entrer en guerre avec nous… Cela serait trop risqué, nous sommes après tout perçu comme de viles démons calculateurs, qui n’ont aucune honte de dissimuler leur vrai pouvoir, pour mieux piéger l’insecte qui oserait se dresser face à nous.

J’ai désormais 23 ans, mon anniversaire de mes 24 approche et on me presse à me marier, pour autant, mes yeux continue de se perdre dans l’horizon, rêvant de liberté. Le nez dans le bouquin, je fuis ces obligations qui me lassent.
De plus, mes prétendants sont tous d’un ennui et d’une médiocrité sans nom… Tant que je ne rencontrerai pas un homme digne de moi, je refuserai toutes fiançailles… Père le sait, une femme trop cultivée est à double tranchant… Je veux bien me plier pour ma famille, mais pas pour ma propre vie. Je ne veux vivre avec un homme qui n’en vaut pas la peine et que je devrais subir jusqu’à mort nous sépare.

Je choisirai l’homme qui sera digne de devenir mon époux.